"Un jour un créateur" Rencontre et échange avec Cindy Barillet - Partie 3

Cette semaine, nous retrouvons Cindy Barillet pour la troisième partie de notre entretien, consacrée aux droits d'auteur et à la propriété intellectuelle, des thématiques cruciales pour tout créateur.

Cindy nous confie les défis qu'elle a dû relever pour protéger ses œuvres, qu'il s'agisse de ses tableaux ou de ses formations en ligne, et les mesures qu'elle a mises en place pour sécuriser ses droits.

Protéger ses créations, valoriser son travail et prévenir les usages abusifs sont des préoccupations centrales pour les artistes et entrepreneurs créatifs. Cette réflexion, soutenue par un cadre juridique adapté, est essentielle pour pérenniser leur activité.

Partie 3: Protection juridique des créations en ligne : enjeux et défis pour une artiste-peintre

1. Votre présence en ligne est forte (sites internet, YouTube, boutique Etsy, etc.). Avez-vous pris des mesures particulières, qu’elles soient juridiques ou techniques, pour protéger vos créations avant de les diffuser ?

La loi est censée protéger toute création artistique sans avoir besoin de recourir à d’autres précautions. Les artistes peintres ne sont donc pas « tenus » de mettre en place des actions visant à protéger les images qu’ils diffusent en ligne, elles sont par essence leur propriété intellectuelle et il est interdit de les reproduire.

Ayant commencé par peindre des portraits sur commande, j’ai produit des centaines de tableaux en quelques années. J’avais besoin de les publier rapidement sur mes réseaux sociaux car cela était essentiel à ma communication. Et aujourd’hui encore, je publie sur internet (hors réseaux sociaux à présent) mes créations sans précautions particulières.

Il faut aussi souligner le fait que je crée beaucoup de tutoriels pour enseigner mes techniques, il est donc tout à fait normal que les internautes reproduisent les créations issues de ces tutoriels et qu’ils les publient sur leurs réseaux sociaux. Bien sûr je préfère lorsqu’ils citent la source de leur copie, mais je ne peux pas en faire une obligation.

2. Comment gérez vous la peur de voir vos créations reproduites sans autorisation ? Effectuez vous des vérifications régulières pour vous assurer qu'elles ne sont pas copiées ? Avez-vous mis en place des systèmes de surveillance automatisée ou faites vous appel à un prestataire extérieur ?

J’ai accepté ce risque lorsque j’ai décidé de développer mon activité sur internet. Cela ne signifie pas que je ne réagis pas lorsque je trouve des copies, mais en tout cas ce n’est pas une source d’angoisse pour moi, je sais que cela fait partie des aléas de mon travail.

Je n’effectue pas de vérifications. J’ai une communauté importante qui suit mon activité, et l’expérience m’a montré que mes abonnés ne manquaient jamais de me prévenir lorsqu’ils trouvaient une copie suspecte de mon travail sur internet.

La seule « surveillance » que j’ai mise en place est une alerte Google sur le terme « cindy barillet » pour être notifiée de l’apparition de mon nom sur internet.

3. Avez-vous déjà rencontré des situations où vos créations ont été copiées ? Comment avez-vous géré ces situations ?

Oui, à plusieurs reprises. Sur Amazon, un vendeur a fait imprimer mes créations (en piètre qualité) sur des produits variés. Je l’ai signalé à Amazon et son compte a été clôturé.

Une entreprise française de canevas à broder a également utilisé en modèle deux de mes portraits sans mon autorisation. J’ai tenté de résoudre le problème à l’amiable avec eux, mais ils n’ont pas voulu reconnaître les faits malgré les preuves que je leur ai apportées. Je les ai poursuivis en justice, mais l’entreprise a déposé le bilan avant que le verdict ne soit rendu.

4. Avez-vous déjà signalé des contenus portant atteinte à vos droits de propriété intellectuelle ? Si oui, pourriez vous nous donner un exemple ?

Oui, un vendeur Facebook a par exemple utilisé l’une de mes vidéos de test d’une palette d’aquarelle pour créer un spot publicitaire et vendre cette palette en drop shipping. On voyait mon visage et mes créations sur cette publicité, et bien sûr à aucun moment il ne m’a prévenue ou demandé la permission. Je lui ai demandé de retirer la vidéo, ce qu’il a refusé. J’ai signalé son comportement à Facebook et son compte a été supprimé. Heureusement, les réseaux sociaux sont assez réactifs sur les problèmes de propriété intellectuelle.

5. En dehors de vos créations, certains de vos autres contenus (comme des vidéos YouTube, miniatures de vidéos, contenu de formations, charte graphique) ont-ils déjà été reproduits illégalement ? Si oui, comment avez-vous réagi ?

Concernant les vidéos sur YouTube, cette plateforme dispose d’un outil performant pour repérer les copies : Si le contenu d’une vidéo dépasse un certain pourcentage de contenu commun avec la vidéo d’un autre créateur, la personne qui a publié la première version de la vidéo en est notifiée. Elle a alors directement la possibilité de faire supprimer de la plateforme le contenu copié. C’est très pratique, car si certaines personnes peuvent utiliser des extraits pour étayer leur propre vidéo en citant le YouTubeur en question, d’autres se contente d’essayer de s’approprier du contenu pour prétendre qu’ils en sont l’auteur. Cela m’est arrivé sur une vidéo de dessin accélérée, et j’ai pu faire disparaître la copie très simplement et très rapidement.

Plus récemment, une Youtubeuse positionnée sur le domaine du pastel sec et de l’aquarelle a utilisé mon site et mes pages de vente comme modèle pour construire son propre site et son contenu. Plusieurs abonnés me l’ont signalé, et j’ai pu constater que les similitudes étaient en effet trop importantes. Je lui ai demandé de fournir des efforts pour différencier son site du mien. Elle a refusé en m’expliquant que tout le monde s’inspirait de tout le monde, mais je n’étais pas d’accord sur ce point. J’ai moi-même longuement réfléchi à la façon d’organiser mon site, mais aussi aux textes et aux présentations de mes prestations. Je pense que quand on se dit créatif, c’est la moindre des choses…

Grâce à vous Me Patte, cette personne a fini par modifier son site suite au message que vous lui avez envoyé. Pouvoir bénéficier de l’aide d’un avocat est un atout indéniable pour faire comprendre que l’on prend très au sérieux la protection de son travail.

Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour la quatrième et dernière partie de cette interview, où nous parlerons de l'accompagnement juridique des artistes et de la gestion de leurs relations commerciales.

En attendant, n’hésitez pas à parcourir les articles précédents du blog pour découvrir d’autres aspects juridiques liés à la créativité et à l’entrepreneuriat. Pour un accompagnement personnalisé dans la protection de vos créations ou la mise en conformité de votre activité, le cabinet est à votre disposition !